Chapitre 1 : Premières rencontres

Anane Sanny

Août de l’année 1892, Kyoto

Alors que je rentrais de l’école avec Azami, l’une de mes amies les plus proches, je me rappelle avoir aperçu sa silhouette au loin. Il était là, devant le muret de ma maison, en train de parler avec des policiers du Keihōkyoku[1]. Je les reconnus facilement avec leur uniforme noir, leurs boutons dorés et leurs épaulières, la véritable question que je me posais était la raison de leur présence devant ma maison en cette fin d’après-midi estivale. Je n’ai compris qu’en voyant deux soldats passer avec une civière et sortir un corps. C’était le corps de ma mère, Haruka. Il était recouvert d’un drap, mais je pouvais voir son bras pendouillant sur lequel était tatouée cette plante aux grappes roses que ma mère adorait tant, un Andromède japonais. Je suis restée figée sur place après avoir compris ce que je venais de voir. Azami s’était également arrêtée à côté de moi, ses couettes rousses virevoltaient au vent et ses pupilles reflétant le soleil semblaient violettes, reflétant l’albinisme dont elle souffrait. Nous étions toutes deux en état de choc.

C’est à ce moment-là qu’il s’est retourné vers nous, il était grand, bien plus que nous, il faisait sûrement plus d’un mètre quatre-vingt-dix, et nous paraissions bien petites à côté de lui, Azami ne mesurant qu’un mètre cinquante-cinq et moi un mètre soixante. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’aussi grand de ma vie. Je compris en voyant qu’il était blond, qu’il ne devait pas être d’origine japonaise. Ses yeux verts ont immédiatement cerné la détresse en moi. Il a fait signe aux policiers et s’est avancé vers nous.

Yu Sanny
  • « Serais-tu Anane ? »

Sa voix était douce et tendre, là où je l’aurais imaginé bien plus rauque. Je pouvais sentir la compassion qu’il essayait d’avoir à mon égard.

  • « Qui êtes-vous ? » Demanda Azami, manifestement inquiète pour moi.
  • « Je m’appelle Yu, Yu Sanny, je suis un parent éloigné de Ren et Haruka, les parents d’Anane. Ils m’ont désigné comme son tuteur dans le cas où ils leur arriveraient quelque chose. »

Il s’est tu un instant, me fixant en quête d’une réaction. J’étais toujours surprise par ce que j’avais vu, mais ce n’est que lorsqu’il a évoqué mon père que j’ai compris que je n’avais pas uniquement perdu ma mère… J’étais désormais orpheline. Je sentis une larme dévaler le long de ma joue. Yu s’est immédiatement pincé les lèvres, ne sachant sûrement pas quoi dire ou quoi faire, il a simplement continué son récit.

  • « Une opératrice m’a appelé plus tôt dans l’après-midi. Le Keihōkyoku m’a informé du décès d’Haruna et Ren. Les policiers m’ont demandé de venir chez eux pour m’occuper de leurs affaires et prendre soin de toi. » Dit-il en me regardant.

Je ne savais pas comment réagir ou quoi dire. Mes parents étaient morts tous les deux…

  • « Comment… ? »  Murmurais-je.

Ma gorge était nouée, je sentais les larmes me monter aux yeux.

  • « Une de vos voisines a entendu du tapage dans votre maison, suivi de cris. Elle a contacté la police, mais lorsque cette dernière est arrivée sur les lieux… Il était déjà trop tard… »
  • « Ils ont été assassinés, mais par qui ? Ils étaient les personnes les plus gentilles que je connaissais… » Se stupéfia Azami.

Je pouvais lire sur son visage la surprise, mais aussi, la peine et l’incompréhension qui nous habitaient toutes les deux.

  • « La police a commencé son enquête, mais je ne leur connaissais pas d’ennemis… La police pense plutôt à un criminel en fuite ou un cambriolage qui aurait mal tourné… » Reprit-il, guettant toujours mes réactions. Il se pinça de nouveau les lèvres et ajouta : « Les officiers souhaiteraient t’interroger, mais tu n’es pas obligée de leur répondre si tu ne veux pas, tu peux même le faire plus tard si tu le désires. »

Je comprenais par son discours qu’il essayait de se mettre à ma place et de me donner la possibilité de choisir ce que je voulais faire. Azami s’est tournée vers moi, troublée et compatissante. Je pouvais lire sur son visage à quel point elle désirait m’aider et me soutenir. Elle aussi avait perdu ses parents étant plus jeunes. Elle connaissait la peine et la solitude qui m’envahissaient soudainement. Elle prit alors ma main et me regarda.

  • « Est-ce que ça va Ana ? Tu veux t’asseoir ? Tu te sens bien ? »
  • « Ça va aller. » Articulais-je avec difficulté, « Est-ce que je peux les voir ? » Demandais-je en me tournant vers Yu.
  • « Oui, bien entendu, ce sont tes parents après tout. »

Yu nous a guidés jusqu’à leurs dépouilles déposées dans l’omnibus[2]. Yu a parlé avec l’un des officiers, qui s’est ensuite rapproché des corps de mes parents et a soulevé le drap qui les couvrait. J’ai vu Azami se figeait et grimacer. Ce n’était pas à cause de la pression que je mettais sur sa main — bien que je la serrasse aussi fort que je le pouvais ; c’était à la vue des corps mutilés de mes parents. Ma mère et mon père n’avaient pas été tués par accident, quelqu’un s’était acharné sur eux, mais pourquoi ? Je l’ignorais, mais la personne qui leur avait fait ça, qui avait pris la vie de personnes aussi bonnes et aussi généreuses, ne pouvait qu’être un monstre.

Les larmes qui coulaient sur mes joues n’étaient pas seulement un signe de tristesse — bien que j’en fus accablée ; ces larmes étaient aussi synonymes de mon impuissance et de mon incompréhension face à cette situation. Je ne comprenais pas, je ne réalisais pas, et pourtant je ne pouvais nier ce qui se trouvait sous mes yeux : mes parents étaient morts et leurs corps étaient aussi froids et rigides que la glace ne pouvait l’être.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée dans cet état, consciente sans vraiment l’être. Les policiers sont repartis avec les dépouilles de mes parents, l’accès à ma propre maison m’a été interdit jusqu’à la fin de l’enquête ; j’ai seulement pu récupérer quelques affaires. J’ai ouvert la porte, tremblante en serrant la poignée, j’ai franchi le genkan[3], enfilé mes surippas[4] qui étaient dans le getabako[5], posant mes zoris[6]. Azami m’a imité, et m’a suivi alors que je longeais le couloir du vestibule en bois.

La maison de mes parents était tout ce qu’il y avait de plus traditionnel, ainsi, en face du vestibule se situait l’escalier en bois qui menait à l’étage, j’ai grimpé, suivie par Azami et j’ai continué en direction de ma chambre. Ce n’est que lorsque je suis passée devant la chambre de mes parents et que j’ai vus les fusumas[7] ensanglantées que j’ai senti la bile monter dans ma gorge. Cependant, avant que je ne fasse quoi que ce soit de regrettable, Yu, qui nous avait suivis, a pris ma main et m’a fait un signe désapprobateur de la tête. Il avait raison, j’avais vu bien trop d’horreur en une journée. J’ai récupéré quelques vêtements, une paire de sandales, et des affaires de toilettes, puis je suis ressortie.

Nous sommes descendus et Azami a proposé à Yu que j’aille chez elle. Il accepta sans broncher, puisqu’il avait lui-même pas mal de choses à régler et qu’il pensait qu’un endroit familier avec des personnes que je connaissais serait plus convenable que d’aller vivre avec lui dans une auberge.

Je l’ai salué et nous sommes parties après qu’Azami lui ait confié son adresse. Je suis restée prosternée, en état de choc jusqu’à ce qu’on arrive chez elle. Ayako et Arisa, nos deux autres amies nous ont ouvert. Ayako et Arisa étaient sœurs et leurs parents avaient adopté Azami après la mort de sa mère et son père. Azami était sûrement la mieux placée pour me comprendre puisqu’elle-même avait perdu ses parents. C’est probablement pour cette raison qu’elle n’avait pas voulu me laisser seule, mais qu’elle n’avait pas non plus cherché à me parler. Ayako et Arisa apprirent la nouvelle de sa bouche. Toute la ville ne tarderait pas à être au courant puisque le journal local annoncerait leur mort suspecte dès le lendemain. Azami a parlé un moment avec elles, sans que j’écoute ou retienne un mot de ce qu’elle a pu leur dire. Ayako m’a lancé un regard que je devinais sympathique à travers ses yeux noirs, alors que sa sœur, Arisa me prenait dans ses bras, les larmes aux yeux. Je ne pus que laisser un faible sourire m’échapper face à leur soutien moral.

Je ne suis pas allée à l’école le lendemain, ni même le jour suivant. Les filles allaient en cours à tour de rôle pour ne pas me laisser seule, et bien que je protestasse, elles ne voulurent pas me laisser seule. Yu passa me voir plusieurs fois les jours suivants, ainsi que le commissaire chargé de l’enquête. Malheureusement pour eux, je n’en savais pas plus sur l’identité du meurtrier de mes parents, tout le monde les appréciait dans le voisinage et je n’avais été témoin d’aucun heurt ni d’aucune menace de qui que ce soit envers eux. Après que la maison nous eut été rendue, Yu prit en main la veillée funèbre. Il fit appel à une société qui nettoya la maison de fond en comble et prépara l’office. Il accueillit tous les proches et les connaissances de mes parents, alors je ne pouvais qu’assister aux défilés de va-et-vient de regards compatissants pour moi, vêtue de mon pauvre mofuku[8],. C’est ce que je pensais en les voyant tous, jusqu’à ce qu’il arrive, vêtu d’un kimono omeshi[9] noir sur lequel était tressé un renard blanc. Il s’est imposé droit devant moi, avec ses cheveux blonds lui arrivant au niveau des épaules et ses yeux argentés, similaires et pourtant très différents de ceux de Yu. Il était aussi grand que Yu, ce qui m’obligea à relever la tête. Il me fixa un moment avant de sortir un pendentif de sa poche. C’était un ange en argent, orné de deux ailes incrustées de deux petits saphirs jaunes. Il me regarda et me tendit le bijou. Je lui rendis son regard, surprise de son geste.

  • « Je suis sincèrement désolé pour vos parents, veuillez accepter mes condoléances. » Il marqua une pause, puis poursuivit : « Sachez néanmoins que si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serais là, près de vous. » Me dit-il d’un ton rassurant.

Ce après quoi, il laissa tomber le bijou dans mes mains et me dit simplement :

  • « Il est pour vous, il vous a toujours appartenu, gardez-le toujours auprès de vous. »

Puis il disparut dans la foule d’invités sans que je puisse répondre quoi que ce soit. J’ai bien essayé de le retrouver, mais ni mes amies ni moi ne l’avons aperçu. J’ai regardé le bijou et je l’ai retourné sous tous les angles cherchant à comprendre. Comment ce bijou pouvait-il être à moi ? J’ai finalement compris lorsque j’ai vu inscrit au dos de l’ange : « Anane Sanny ». Mais qui pouvait bien être cet inconnu qui me donnait une impression de déjà-vu ? Et surtout pourquoi m’avait-il offert ce bijou ?

  • « Serais-tu Anane ? »

Sa voix était douce et tendre, là où je l’aurais imaginé bien plus rauque. Je pouvais sentir la compassion qu’il essayait d’avoir à mon égard.

  • « Qui êtes-vous ? » Demanda Azami, manifestement inquiète pour moi.
  • « Je m’appelle Yu, Yu Sanny, je suis un parent éloigné de Ren et Haruka, les parents d’Anane. Ils m’ont désigné comme son tuteur dans le cas où il devait leur arriver quelque chose. »

Il s’est tu un instant, me fixant en quête d’une réaction. J’étais toujours surprise par ce que j’avais vu, ce n’est que lorsqu’il a évoqué mon père que j’ai compris que je n’avais pas perdu un parent, mais que j’étais orpheline. J’ai senti une larme dévalée le long de ma joue. Yu s’est immédiatement pincé les lèvres, ne sachant sûrement pas quoi dire ou quoi faire, il a simplement continué son récit.

  • « J’ai été appelé tôt cette après-midi par le Keihōkyoku, ils m’ont informés du décès d’Haruna et Ren et ils m’ont demandés de venir chez eux pour régler leurs affaires et m’occuper de toi. » Dit-il en me regardant.

Je ne savais pas comment réagir ou quoi dire. Mes parents étaient morts tous les deux…

  • « Comment… ? » Murmurais-je.

Ma gorge était nouée, je sentais les larmes me montaient aux yeux.

  • « Une de vos voisines a entendu du raffut dans votre maison, suivi de cris, elle a contacté la police, mais lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux… Il était déjà trop tard… »
  • « Ils ont été assassinés ? Mais par qui ? Ils étaient les personnes les plus gentilles que je connaissais… » Se stupéfia Azami.

Je pouvais lire sur son visage la surprise mais aussi, la peine et l’incompréhension qui nous habitaient toutes les deux.

  • « La police a commencé son enquête mais je ne leur connaissais pas d’ennemis… La police pense plutôt à un criminel en fuite ou un cambriolage qui aurait mal tourné… » Reprit-il, guettant toujours mes réactions. Il se pinça de nouveau les lèvres et ajouta : « Les officiers souhaiteraient t’interroger mais tu n’es pas obligée de leur répondre si tu ne veux pas, tu peux même le faire plus tard si tu le désires. »

Je pouvais voir dans son discours qu’il essayait de se mettre à ma place et de me donner la possibilité de choisir, de faire ce que je voulais. Azami s’est tournée vers moi, inquiète et compatissante. Je pouvais lire sur son visage à quel point elle désirait m’aider et me soutenir. Elle aussi avait perdu ses parents étant plus jeune, elle connaissait la peine et la solitude qui m’envahissait soudainement. Elle a pris ma main et m’a regardé.

  • « Est-ce que ça va Ana ? Tu veux t’asseoir ? Tu te sens bien ? »
  • « Ca va aller. » Articulais-je avec difficulté, « Est-ce que je peux les voir ? » Demandais-je en me tournant vers Yu.
  • « Oui, bien entendu, ce sont tes parents après tout. »

Yu nous a guidé, au travers des policiers, jusqu’à leur dépouilles déposées dans l’omnibus (véhicule, initialement hippomobile puis automobile, qui servait principalement au transport public). Yu a parlé avec l’un des officiers qui s’est ensuite rapproché des corps de mes parents et a soulevé le drap qui les couvrait. J’ai vu Azami se figeait et grimaçait, ce n’était pas à cause de la pression que je mettais sur sa main – bien que je la serrasse aussi fort que je le pouvais ; c’était à la vue des corps mutilés de mes parents. Ma mère et mon père n’avaient pas été tués par accident, quelqu’un s’était acharné sur eux. Mais pourquoi ? Je l’ignorais, mais la personne qui leur avait fait ça, qui avait pris la vie de personnes aussi bonnes et aussi généreuses, ne pouvait qu’être un monstre. Les larmes qui coulaient sur mes joues, n’étaient pas seulement de la tristesse – bien que j’en fus accablée ; ces larmes étaient aussi synonymes de mon impuissance et de mon incompréhension face à cette situation. Je ne comprenais pas, je ne réalisais pas, et pourtant je ne pouvais nier ce qui se trouvait sous mes yeux : mes parents étaient morts et leur corps étaient aussi froids et rigides que la glace ne pouvait l’être.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée dans cet état, consciente sans vraiment l’être. Les policiers sont repartis avec les dépouilles de mes parents, ma propre maison m’a été interdite jusqu’à la fin de l’enquête ; j’ai seulement pu récupérer quelques affaires. J’ai ouvert la porte, tremblotante en serrant la poignée, j’ai franchis le genkan (entrée de la maison se situant plus bas que le niveau du sol de la maison. Selon la tradition japonaise, l’invité se déchausse et dépose ses chaussures soigneusement. Le genkan contient généralement un rangement à chaussures ainsi qu’un porte-manteau et un porte-parapluie), enfilé mes surippas (ce sont les chaussons d’intérieur que porte les japonais une fois rentrés chez eux) qui étaient dans le getabako (armoire à chaussures située dans le genkan, généralement en bambou ou en bois), posant mes zoris (sandales traditionnelles japonaises qui se porte avec le costume traditionnel (kimono), peu chère et généralement fabriquée à partir de paille de riz). Azami m’a imité, et m’a suivi alors que je longeais le couloir du vestibule en bois. La maison de mes parents était tout ce qu’il y avait de plus traditionnel, ainsi en face du vestibule se trouvait l’escalier en bois qui menait à l’étage, j’ai grimpé, suivie par Azami et continué en direction de ma chambre. Ce n’est que lorsque je suis passée devant la chambre de mes parents que j’ai vu les fusumas (parois coulissantes épaisse et opaque qui sert à modeler l’espace, mais aussi comme portes. Elles sont composées d’une structure en bois recouverte de toile et de papier) ensanglantées, j’ai senti la bile montée dans ma gorge, mais avant que je ne fasse quoi que ce soit de regrettable, Yu, qui nous avait suivi, a pris ma main et m’a fait un signe désapprobateur de la tête.  Il avait raison, j’avais vu bien trop d’horreur en une journée. J’ai récupérer quelques vêtements, sandales et nécessaires de toilettes.

Nous sommes redescendus, Azami a proposé à Yu que j’aille chez elle, chose qu’il a accepté puisqu’il avait lui-même pas mal de choses à régler et qu’il pensait qu’un endroit familier avec des gens que je connaissais serait plus convenable que d’aller vivre avec lui dans un hôtel.

Je l’ai salué et nous sommes parties après qu’Azami lui ai confié son adresse. Je suis restée prosternée, en état de choc jusqu’à ce qu’on arrive chez elle. Ayako et Arisa, mes deux autres amies nous ont ouvert. Ayako et Arisa étaient sœurs et leurs parents avaient adoptés Azami après la mort de sa mère et son père. Azami était sûrement la mieux placée pour me comprendre puisqu’elle-même avait perdu ses parents, c’est probablement pour cette raison qu’elle n’a pas voulu me laisser seule mais qu’elle n’a pas non plus cherché à me parler. Ayako et Arisa, ont appris la nouvelle de sa bouche, toute la ville ne tarderait pas être au courant puisque le journal local annoncerait leur mort suspecte dès le lendemain. Azami a parlé un moment avec elles, sans que je n’écoute ou ne retienne un mot de ce qu’elle a pu leur dire. Ayako m’a lancé un regard que je devinais sympathique à travers ses yeux noirs, alors que sa sœur, Arisa me prenait dans ses bras, les larmes aux yeux. Je ne pus que laisser un faible sourire m’échapper face à leur soutien moral.

Je n’ai pas été en cours le lendemain, ni même le jour suivant. Les filles allaient en cours à tour de rôle pour ne pas me laisser seule, et bien que je protesta, elles ne voulurent pas me laisser seule. Yu passa me voir plusieurs fois les jours suivants, ainsi que le commissaire chargé de l’enquête. Malheureusement pour eux, je n’en savais pas plus sur l’identité du meurtrier de mes parents, tout le monde les appréciait dans le voisinage et je n’avais été témoin d’aucun heurt, ni d’aucune menace de qui que soit envers eux. Après que la maison nous ait été rendu, Yu a pris en main la veillée funèbre, il a fait appel à une société qui a nettoyé la maison de fond en comble et a préparé l’office. Il a accueilli tous les proches et les connaissances de mes parents, alors je ne pouvais qu’assister vêtue de mon mofuku (costume traditionnel de deuil des femmes, entièrement noir, il est réservé à la famille et aux proches du défunt), au défilement de regard compatissant et d’empathie des gens pour moi. C’est ce que je pensais en les voyant tous, jusqu’à ce qu’il arrive, vêtu d’un kimono omeshi (costume traditionnel en tissu, réservé aux hommes, plus formel et plus noble que les autres costumes en tissus, parfois porté avec des « kamon » (blason de famille), plus il y en a, plus le costume est formel) noir sur lequel était tressé un renard blanc. Il s’est imposé droit devant moi, avec ses cheveux blonds lui arrivant au niveau des épaules et ses yeux argentés, similaires et pourtant très différent de ceux de Yu. Il était aussi grand que Yu, ce qui m’a obligé à relever la tête. Il m’a fixé un moment avant de sortir un pendentif de sa poche. C’était un ange en argent, orné de deux ailes incrustées de deux petits saphirs jaune. Il m’a regardé et m’a tendu le bijou, je lui ai rendu son regard, surprise de son geste.

Un inconnu de passage
  • « Je suis sincèrement désolé pour vos parents, veuillez accepter mes condoléances. Sachez néanmoins que si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serais là, près de vous. » Me dit-il d’un ton rassurant.

Ce après quoi, il lâcha le bijou dans mes mains et me dit simplement :

  • « Il est pour vous, il vous a toujours appartenu, gardez-le toujours auprès de vous. »

Puis il disparut dans la foule d’invités sans que je puisse répondre quoi que ce soit. J’ai bien essayé de le retrouver mais ni mes amies, ni moi ne l’avons aperçu. J’ai regardé le bijou et je l’ai retourné sous tous les angles cherchant à comprendre. Comment ce bijou pouvait-il être à moi ? J’ai finalement compris lorsque j’ai vu inscrit au dos de l’ange : « Anane Sanny ». Mais qui pouvait bien être cet inconnu qui me donnait une impression de déjà vu ? Et surtout pourquoi m’avait-il offert ce bijou ?


[1] Littéralement : système de police (département de la police intérieure sous l’empire du Japon)

[2] Véhicule, initialement hippomobile puis automobile, qui servait principalement au transport public.

[3] Entrée de la maison se situant plus bas que le niveau du sol de la maison. Selon la tradition japonaise, l’invité se déchausse et dépose ses chaussures soigneusement. Le genkan contient généralement un rangement à chaussures ainsi qu’un porte-manteau et un porte-parapluie.

[4] Ce sont les chaussons d’intérieur que portent les Japonais une fois rentrés chez eux.

[5] Armoire à chaussures située dans le genkan, généralement en bambou ou en bois.

[6] Sandales traditionnelles japonaises qui se portent avec le costume traditionnel (kimono). Elles sont peu chères et généralement fabriquées à partir de paille de riz.

[7] Parois coulissantes épaisses et opaques qui servent à modeler l’espace, mais aussi comme portes. Elles sont composées d’une structure en bois recouverte de toile et de papier.

[8] Costume traditionnel de deuil des femmes, entièrement noir, il est réservé à la famille et aux proches du défunt.

[9] Costume traditionnel en tissu, réservé aux hommes, plus formel et plus noble que les autres costumes en tissus. Parfois porté avec des « kamon » (blason de famille), plus il y en a, plus le costume est formel.

2 réponses pour “AnaneSanny, chapitre 1”

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