Je venais d’arriver en train à la gare de Lyon Part-Dieu, située dans le troisième arrondissement de Lyon, lorsque le train s’arrêta. C’était l’un des arrêts de mon itinéraire ferroviaire, mais pas celui auquel je descendais, le terminus de ma ligne, Lyon Perrache, n’était plus très loin, encore un arrêt et je serai arrivée. Les voyageurs descendaient et d’autres montaient, le vacarme de la ville interrompit ma lecture, je décidais alors de ranger mon livre, sans pour autant cesser de penser à Alice. Le train redémarra et alors que le paysage défilait à travers la fenêtre, une impression de flou embua mes yeux, je les frottais pour y voir plus clair et l’espace de quelques secondes, j’eus l’impression que le paysage avait changé. Les grands bâtiments étaient devenus plus petits, il n’y avait plus de voiture, seulement des piétons, qui semblaient très bien habillés, les femmes avaient de longues robes et les hommes des costumes élégants. Je restais figée devant ce paysage changeant jusqu’à ce que le train n’arrive en gare.

J’avais atteint Perrache et alors que je descendais du train, je me demandais encore si j’avais rêvé, peut-être avais-je trop lu Alice au pays des merveilles, ou peut-être que je rêvais ? Oui ça ne pouvait être que ça, je dormais encore à l’intérieur du train, sinon comment expliquer toutes ces personnes qui défilaient sous mes yeux habillés si élégamment ? J’avais l’impression d’avoir fait un bond dans les années 1910 ! Je me retournais et je vis que le train avait changé, il était devenu une locomotive à vapeur. La gare avait également changé d’aspect. Tout me paraissait étranger alors que je connaissais cette gare, je faisais des allers-retours entre elle et ma région natale depuis quatre ans. J’observais les locomotives crachant de la fumée blanche et les voyageurs qui allaient et venaient. Les hommes portaient des costumes élégants et des nœuds papillon avec des jaquettes et des queues de pies, certains portaient des casquettes, d’autres des hauts de formes, les femmes accrochées à leur bras étaient elles aussi très bien habillées, elles portaient de longues robes très élégantes, des ombrelles et de larges chapeaux.
Je dénotais fortement, habillée avec mon jean et mon t-shirt, sans parler de mon sac à dos, pourtant, personne ne semblait me remarquer. Je suivais le mouvement de foule pour sortir de la gare, le soleil m’éblouit tellement que j’en fermais les yeux. Je me fis bousculer et sans rien y comprendre, je finis dehors.

J’apercevais la place Carnot, elle était métamorphosée, cette place habituellement piétonne avait été remplacée par un circuit de tramways. Les tramways allaient et venaient, je circulais entre eux, faisant attention à l’endroit où je marchais, évitant les rails. Je reconnus, malgré cette époque que je ne connaissais pas, la statue de la République, mais elle avait quelque chose de changé, sur son piédestal, il y avait six autres statues, chacune représentant quelque chose. Je me demandais pourquoi la statue de mon époque n’était pas identique, mais j’imagine que quelque chose l’avait séparée de ses six comparses. Je déambulais en direction de Bellecour, l’architecture des bâtiments n’avait pas changée, elle était toujours la même, mais les boutiques présentes à mon époque n’existaient pas encore. À leur place, il y avait des restaurants, des boutiques artisanales, des cafés, mais aussi un tramway qui circulait en son centre. Je suis rentrée dans l’un des cafés, cherchant de quoi me rafraichir, je n’arrivais pas à en croire mes yeux. Les hommes présents m’observèrent, il devait être rare de voir une femme seule à cette époque, je me suis rapprochée du gérant du café, installé derrière son comptoir et je lui demandais si le cinéma se trouvait déjà rue de la République ? Il m’a regardé en haussant un sourcil et m’a fait un signe négatif de la tête. Je le remerciai et sortis de nouveau, mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je ressortis et vis que les rames de tramways avaient disparu et que le code vestimentaire avait changé.

Je n’étais plus dans les années 10, j’étais dans les années 60 ou peut-être 70 ? La place Bellecour était la même, toujours présente avec sa statue équestre de Louis XIV et ses allégories du Rhône et de la Saône, les seules différences, c’étaient les personnes qui se baladaient sur la place, il y avait énormément de femmes, ou plutôt de mère de famille, avec leurs enfants et leurs poussettes. Je voyais des Peugeot 404, des Aston Martin, des Renault 8 et même des Citroën Dyane passaient le long des rues, la ville semblait plus animée que jamais, les enfants riaient et couraient un peu partout. Sans cesser d’admirer les rues et mon environnement, je me dirigeais vers la rue de la république où devait se situer le cinéma, tout du moins, je l’espère. Je continuais de marcher et je l’aperçus de loin. Normalement, je devais rejoindre mon amie devant le cinéma, à notre époque, en 2020, mais bien évidemment, elle n’était pas là. Je décidais donc de rentrer à l’intérieur du cinéma, il était radicalement différent de mon époque : les bornes automatiques de billets n’étaient pas encore là, il y avait un guichet et une personne qui s’en occupait, il y avait également un stand avec du popcorn, de la barbe à papa et des friandises en tout genre. Il y avait des affiches de vieux film, et un sourire m’échappa lorsque je vis La Grande Vadrouille en tête d’affiche, nous étions donc en 1966. Je me décidai à retenter l’expérience, j’allais pour sortir de la salle, lorsque je me fis bousculer, je suis tombée sur le sol sans pouvoir me rattraper et puis le noir.
Je me suis réveillée devant le générique de mon film, dans la salle de cinéma avec mon amie à côté de moi, elle semblait hilare, et je compris pourquoi quand je m’aperçus qu’un gamin donnait des coups de pied dans le dos de mon siège. Ce qui expliquait pourquoi je m’étais réveillée en sursaut. Nous sommes sorties du cinéma et alors que je racontais mon rêve à mon amie, j’eus la preuve sous mes yeux que j’étais bien revenue à mon époque, les boutiques du quartier étaient de retour et les passants avaient le même code vestimentaire que mon amie et moi. Je ne pus m’empêcher de sourire.