Rêveuse : les personnes qui me connaissent bien savent que ce mot me définit à merveille. Et les merveilles ce n’est pas ce qui manque dans mon imaginaire débordant. Je déborde d’idées farfelues à tout moment de la journée, il me suffit d’une pensée, d’un détail d’inattendu et je suis déjà déconnectée. Une déconnexion de la réalité, c’est ce qui m’arrive lorsque je parle à quelqu’un ou que je fais quelque chose et que mon esprit est happé ailleurs, je ne réponds plus de rien, agissant machinalement.
Mes gestes deviennent alors mécaniques, désarticulés de toute volonté, accomplissant les tâches et besognes nécessaires pendant que ma conscience dérive. Mon esprit dérive dans un autre monde, un monde où tout est possible. Cette infinité de possibilités, je l’ai souvent explorée lors de mes rêves ou de mes rêveries, m’imaginant voler ou voyager dans un monde fantastique. Toutes ces choses fantastiques sorties tout droit de mon imagination peuvent paraître absurdes pour la plupart des gens, mais ce monde n’appartient qu’à moi et il est tel que je le désire.

Ces désirs reflètent tout ce que j’aimerais voir ou posséder, que ce soient des paysages magnifiques que je ne peux atteindre dans la réalité ou qui n’existent pas, ou bien encore des pouvoirs que j’aimerais posséder comme la télékinésie ou le fait de pouvoir voler. Oui, le fait de pouvoir voler est quelque chose dont j’ai toujours rêvé, j’aimerais pouvoir me balader dans les airs en regardant le sol, voir le monde d’en haut et pouvoir admirer sa beauté.
Tout est plus beau dans les rêves, nos perceptions sont amplifiées : les personnes myopes n’ont plus besoin de lunettes, les couleurs sont plus vives, les sons plus harmonieux, les odeurs plus délicieuses, la nourriture plus exquise et notre toucher plus sensible. Cette sensibilité est ce qui fait d’un rêve quelque chose d’unique et de merveilleux, mais c’est aussi ce qui peut briser ce cadre idéal. Finalement, ce monde idéal n’est que le mien, il serait peut-être abominable pour d’autres personnes, mais il me convient parfaitement, même s’il y a des imprévus, même si parfois certaines choses sont effrayantes ou totalement improbables, c’est ce qui me définit en tant que rêveuse.

Mais je crois que j’ai assez parlé de moi comme cela, peut-être devrais-je plutôt vous raconter l’une de mes rêveries.
J’étais en route pour le travail, je conduisais pour m’y rendre, il ne faisait pas encore jour. Nous étions encore en hiver et le trajet de vingt minutes qui me séparait de mon domicile à mon travail était toujours une excuse à mes rêveries. La nuit me permettait de m’immerger dans mon monde onirique et le silence qui régnait en ces dimanches matin m’inspirait. Je circulais, m’arrêtant aux feux lorsqu’ils devenaient orange ou rouge, et alors que j’attendais je me surpris à fixer le fleuve que la route longeait. Il y en avait deux à Lyon, celui qui attira mon attention était le Rhône, il était si calme, aucun bateau ne circulait, il n’y avait que les oiseaux qui chantaient. Cette immensité d’eau n’intriguait peut-être plus ceux qui habitaient dans cette ville depuis toujours, mais pour une Auvergnate comme moi, qui n’avait toujours connue que la montagne et les roches volcaniques, la ville de Lyon et ses fleuves semblaient dépaysants. Je m’imaginais en été, le vent frais soufflant sur mes épaules et dans mes cheveux, en train de me promener le long des quais, la fraicheur du fleuve et l’ombre des arbres procurant un répit durant un été chaud. Les touristes envahissaient la ville et visitaient les péniches, chacun profitait de la beauté de la ville lyonnaise, admirant Fourvière et les anciennes architectures de la Renaissance, profitant du paysage urbain. En ce qui me concerne je profitais seulement de la fraîcheur procurée par le fleuve, je tenais mon ombrelle d’une main – je ne sais pas depuis quand j’en avais une, mais je la tenais, elle et mes lunettes de soleil me protégeaient de cet astre agressif. Dans mon autre main, je pouvais sentir la chaleur de la personne qui m’accompagnait, nous nous baladions tranquillement main dans la main, amoureux. Puis le feu est redevenu vert, et la fenêtre ouverte qui m’avait permis d’admirer le fleuve a brutalement jeté un froid glacial.
